Page:Zola - Travail.djvu/244

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travail, le paysan enfin libéré des antiques servitudes, sauvé du prêteur dont l’usure le ronge, échappé à l’écrasement du grand propriétaire et de l’État.

«  C’est trop beau  », déclara Lenfant, de son air réfléchi.

Mais Yvonnot s’enflammait plus vite.

«  Ah  ! bon sang  ! si c’était vrai, nous serions trop bêtes de ne pas essayer la chose  !

— Voyez où nous en sommes nous-mêmes, à la Crêcherie, dit alors Luc, qui gardait en réserve cet argument de l’exemple. Voici trois ans à peine que nous existons, et nos affaires vont bien, tous nos ouvriers qui se sont associés mangent de la viande, boivent du vin, n’ont plus ni dettes, ni crainte de l’avenir. Questionnez-les et surtout visitez notre œuvre, nos ateliers, nos habitations, notre maison commune, tout ce que nous avons bâti et créé en si peu de temps… C’est là le fruit de l’union, vous accomplirez des prodiges, dès que vous serez unis.

— Oui, oui, nous avons vu, nous savons  », répondirent les deux paysans.

Et c’était vrai, ils avaient visité curieusement la Crêcherie, avant de faire demander Luc, supputant les richesses acquises déjà, s’étonnant de cette ville heureuse qui naissait avec tant de rapidité, se demandant quel gain il y aurait pour eux à s’associer ainsi. La force de l’expérience les pénétrait, les conquérait peu à peu.

«  Eh bien  ! puisque vous savez, c’est très simple, reprit Luc gaiement. Nous avons besoin de pain, nos ouvriers ne peuvent pas vivre, si vous ne faites pas pousser le blé nécessaire. Vous autres vous avez besoin d’outils, de bêches, de charrues, de machines faites avec l’acier que nous fabriquons. Alors, la solution du problème est très facile, il n’y a qu’à nous entendre, nous vous donnerons de l’acier, vous nous donnerez du blé, et nous