Page:Zola - Travail.djvu/261

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«  Il dit encore, continuait Caffiaux, qu’il n’y aura plus d’autorité d’aucune sorte, plus de gouvernement, plus de gendarmes, plus de juges, plus de prisons. Chacun vivra comme il voudra, et dormira à sa guise… Il dit aussi que les machines finiront par faire tout le travail et que les ouvriers auront seulement le petit souci de les conduire. Ce sera le paradis, parce qu’on ne se battra plus, qu’il n’y aura plus d’armées et plus de guerres… Et il dit enfin que les hommes et le femmes, quand ils s’aimeront, se mettront ensemble pour le temps qu’il leur plaira, puis se lâcheront de bon accord, quittes à recommencer avec d’autres. Et, s’il vient des enfants, la communauté les prendra à son compte, les élèvera en tas, au petit bonheur, sans qu’ils aient besoin de mère ni de père.  »

Muette jusque-là, la belle Mme Mitaine se récriait.

«  Oh  ! les pauvres petits  ! … Chaque maman, j’espère, aura bien le droit d’élever les siens. C’est bon pour les enfants qu’on a le mauvais cœur d’abandonner, d’être élevés pêle-mêle, par des mains étrangères ainsi que dans les asiles d’orphelins… Tout ce que vous nous racontez, ça ne m’a l’air guère propre.

— Dites que c’est de la saleté pure  ! clamait Dacheux, hors de lui. Ça ne se passe pas autrement sur le trottoir  : on ramasse une fille, on la prend, on la quitte. Ah  ! bien une vraie maison publique, que leur société future  !   »

Et Laboque, qui ne perdait pas de vue ses intérêts menacés finissait par conclure  :

« Il est fou, ce M. Luc. Nous ne pouvons pas le laisser ainsi ruiner et déshonorer Beauclair. Il va falloir nous entendre pour agir.  »

Mais les colères s’accrurent encore, un déchaînement universel se produisit, lorsque Beauclair sut que l’infection de la Crêcherie gagnait le village voisin des Combettes.