Page:Zola - Travail.djvu/286

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de massue qui gagne une cause, qui écrase un homme. Et l’inquiétude devint telle lorsque Luc prit à son tour la parole, que ses moindres mots furent accueillis par des murmures. Il parla très simplement, ne répondit même pas aux attaques contre son œuvre, se contenta de démontrer, avec une force d’évidence décisive, que Laboque était mal fondé en sa demande. Ne serait-ce pas un service qu’il aurait rendu à Beauclair, s’il avait assaini la ville en desséchant le Clouque empesté, tout en lui faisant le cadeau de bons terrains à bâtir  ? Mais ce n’était pas même un fait prouvé, que les travaux exécutés à la Crêcherie fussent la cause de la disparition du torrent et il attendait qu’on lui en donnât la preuve certaine. En finissant, un peu de l’amertume de son cœur ulcéré apparut, quand il déclara que, s’il ne réclamait les remerciements de personne pour ce qu’il croyait avoir déjà fait d’utile, il serait seulement heureux qu’on le laissât poursuivre son œuvre en paix sans lui chercher de mauvaises querelles. À plusieurs reprises, le président Gaume avait dû imposer silence à l’auditoire, et la réplique de l’avocat de Laboque fut si violente, il souleva de telles acclamations en traitant Luc d’anarchiste, acharné à la destruction de la ville, qu’il dut menacer de faire évacuer la salle, si de pareilles manifestations se renouvelaient. Puis, lorsque le procureur de la République eut parlé d’une façon volontairement confuse, en donnant tort et raison aux deux parties, il renvoya à quinzaine pour le jugement.

Quinze jours plus tard, les passions s’étaient échauffées encore on se battait sur le marché, dans l’attente de ce jugement. La presque unanimité était convaincue d’une condamnation sévère dix à quinze mille francs de dommages-intérêts, sans compter les conséquences, la mise en demeure de rétablir le Clouque en l’état. Pourtant, certains hochaient la tête, n’étaient sûrs de rien car ils n’