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Page:Zola - Travail.djvu/38

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d’une large tache de sang. Ce qui n’empêcha pas l’homme, aveuglé, fou d’alcool, d’ouvrir toute grande la porte, de pousser la femme au trottoir. Puis quand il fut revenu s’asseoir lourdement devant son verre, il bégaya avec un rire épais :

« Ah ! bien ! si on les écoutait, on en aurait du plaisir ! »

Hors de lui, Luc fermait les poings, pour tomber sur Ragu. Mais il vit la rixe, une bataille avec toutes ces brutes. Et, étouffant dans cet abominable lieu, il se hâta de payer ; tandis que Caffiaux qui avait pris la place de sa femme au comptoir, tâchait de raccommoder les choses, en disant de son air paterne qu’il y avait tout de même des femmes bien maladroites. Qu’est-ce que vous voulez obtenir d’un homme qui a bu un coup ? Sans répondre, Luc s’élança au-dehors, respirant avec soulagement l’air frais de la rue regardant de tous côtés, fouillant la foule ; car il n’avait eu qu’une idée en sortant si vite, celle de retrouver Josine, de lui venir en aide, de ne pas la laisser mourante de faim, sans pain, sans asile, par cette nuit sombre de tempête. Mais il eut beau remonter la rue de Brias au pas de course, revenir sur la place de la Mairie, galoper parmi les groupes : Josine et Nanet avaient disparu. Sans doute, sous la terreur d’une poursuite, ils s’étaient terrés quelque part, et les ténèbres de pluie et de vent les avaient repris.

Quelle affreuse misère, quelle souffrance exécrable, dans le travail gâché, corrompu, devenu le ferment honteux de toutes les déchéances ! Et Luc, le cœur saignant, le cerveau assombri des plus noires prévisions, se remit à errer au milieu de la cohue louche et menaçante, qui augmentait dans la rue de Brias. Il retrouvait là ce souffle de terreur indistinct, qui passait sur les têtes, venu de la récente lutte de classes, lutte jamais finie, dont on sentait dans l’air le prochain recommencement.