Page:Zola - Travail.djvu/385

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ensemble  ? D’autre part, les gendarmes lancés à la poursuite de Ragu n’avaient retrouvé aucune trace, toutes les recherches depuis quinze jours étaient restées vaines et ce qui semblait devoir dénouer le drame, c’était qu’on avait découvert, au fond d’un ravin des monts Bleuses, le cadavre d’un homme, à moitié mangé par les loups, dans lequel on prétendait reconnaître les restes affreux de Ragu. L’acte de décès ne put être dressé, mais la légende s’établit que Ragu était mort, soit d’un accident, soit d’un suicide, dans la folie furieuse de son crime. Alors, si Josine était veuve, pourquoi n’aurait-elle pas vécu avec Luc, pourquoi les Jordan n’auraient-ils pas accepté chez eux le ménage  ? Et leur union était si naturelle, si forte, si indissoluble désormais, que, plus tard même, l’idée qu’ils n’étaient point mariés légalement ne vint à personne.

Enfin, par un beau matin de février, au clair soleil, le docteur Novarre crut pouvoir répondre de Luc  ; et, quelques jours plus tard, en effet, il se trouvait en pleine convalescence. Jordan, ravi, était retourné à son laboratoire. Il n’y avait plus là que Sœurette et Josine, bien lasses des nuits passées, mais si heureuses  ! Rosine surtout, qui n’avait point voulu se ménager, malgré son état, souffrait beaucoup, sans le dire. Et ce fut un matin encore, par un soleil de printemps hâtif, que les douleurs, dont elle dissimulait les crises depuis son lever, lui arrachèrent un faible cri, comme elle assistait au premier déjeuner de Luc, le premier œuf permis par le docteur.

«  Qu’as-tu donc, ma Josine  ?   »

Elle continuait de lutter, mais elle dut se rendre, prise tout entière.

«  Oh  ! Luc, je crois bien que le moment est venu.  »

Il comprit, il eut une joie vive, mêlée à l’inquiétude de la voir pâlir et chanceler.

«  Josine, Josine, c’est donc à toi de souffrir maintenant,