Page:Zola - Travail.djvu/414

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rien du monde extérieur ne leur parvenait. Chacun, de son côté, roulait sa mélancolie, son regret du monde qui disparaissait, son appel au monde qui sortait de terre. La religion finie ne voulait pas mourir, la justice à naître se désespérait de tant tarder. Cependant, ils levaient la tête, ils se reconnaissaient, et il fallait échanger quelques mots.

«  Un temps bien triste, monsieur le président. Nous aurons de la pluie.

— Je le crains, monsieur l’abbé. Ce mois de juin est très froid.

— Ah  ! que voulez-vous  ? toutes les saisons sont bouleversées maintenant. Plus rien n’est d’aplomb.

— C’est vrai, et pourtant la vie continue, le bon soleil remettra peut-être tout en place.  »

Puis, chacun reprenait sa marche solitaire, retombait dans ses réflexions, promenant de la sorte à l’infini l’éternelle lutte de l’avenir et du passé.

Mais, surtout, ce fut à l’Abîme que retentit le contrecoup de Beauclair en évolution, peu à peu transformé par la réorganisation du travail. À chaque succès nouveau de la Crêcherie, Delaveau devait déployer plus d’activité, plus d’intelligence et de courage  ; et, naturellement, tout ce qui faisait la prospérité de l’usine rivale devenait chez lui un désastre. C’était ainsi que la découverte d’excellents filons, dans la mine anciennement abandonnée, lui avait porté un coup terrible, en avilissant le prix de la matière première. Il ne pouvait plus lutter pour les fers et les aciers de commerce, il se trouvait même atteint dans sa fabrication des canons et des obus. Les commandes avaient fléchi, depuis que l’argent de la France allait surtout aux constructions de paix et de solidarité sociale, aux chemins de fer, aux ponts, aux bâtiments de tous genres, où le fer et l’acier triomphaient. Le pis était que ces commandes, dont trois maisons seulement se partageaient