Page:Zola - Travail.djvu/420

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rejeta la magnifique fourrure qui lui couvrait les épaules. Alors, elle apparut adorable, d’une merveilleuse beauté, toute vêtue de soie et de dentelle blanche, très décolletée, la gorge et les bras nus. C’était un luxe dont le mari ne s’étonnait pas, qu’il ne voyait même pas n’aimant d’elle qu’elle-même, la délicieuse créature, devant laquelle le frisson du désir l’avait toujours rendu obéissant, sans clairvoyance ni force. Et jamais plus d’ivresse ne s’était exhalé d’elle.

Mais, lorsque, la tête bourdonnante encore, assis à son bureau il l’eut regardée un moment, il s’inquiéta.

«  Qu’as-tu donc, chère amie  ?   »

Elle était visiblement bouleversée. Ses grands yeux bleus de brune, si caressants d’habitude, luisaient d’une ardeur sombre. Sa bouche, petite, aux sourires tendrement menteurs, s’entrouvrait montrait les dents solides, d’un éclat inaltérable, prêtes à mordre. Tout son visage, à l’ovale délicieux, sous la noire chevelure, se gonflait d’un besoin de violence.

«  Ce que j’ai  ? finit-elle par dire, frémissante. Je n’ai rien.  »

Le silence retomba, et l’on entendit dans la grande paix morte de l’hiver le grondement de l’Abîme en travail, dont le branle secouait la maison d’un frisson continu. D’habitude, ils n’en avaient même plus conscience. Mais, cette nuit-là, bien que les commandes eussent fortement diminué, on venait de mettre en action le marteau-pilon de vingt-cinq tonnes, pour forger en hâte le tube d’un grand canon  ; et le sol tremblait, les vibrations de chaque coup semblaient retentir dans le cabinet même, en se communiquant par la légère galerie de bois qui le reliait aux bâtiments voisins de l’usine.

«  Voyons, tu as quelque chose, reprit Delaveau. Pourquoi ne me dis-tu pas ce que tu as  ?   »