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Page:Zola - Travail.djvu/424

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pourquoi elle rentrait si violente, si haineuse, toute gonflée de l’envie de mordre et de détruire.

«  Oui, oui, bégaya-t-elle, ces plaisirs toujours les mêmes, ah  ! ce n’est pas toi qui m’en donnerais de nouveaux  !   »

Dans l’usine, le marteau-pilon continuait à taper ses rudes coups dont le sol tremblait. Si longtemps il lui avait forgé ses joies, en faisant suer à l’acier la richesse dont elle était avide, tandis que le noir troupeau des ouvriers donnaient leur vie, pour qu’elle vécût la sienne en pleine et libre jouissances. Un instant, elle entendit ce branle douloureux du travail, au milieu du lourd silence. Et une vision unique s’évoqua encore, celle de Ragu demi-nu, la jetant sur le tas de haillons immondes, la possédant dans la flamme des fours. Jamais plus, jamais plus  ! Et ce fut contre son mari un redoublement de haine sauvage.

«  C’est ta faute, ce qui arrive… Je l’ai dit à Boisgelin. Si tu avais commencé par étrangler ce misérable Luc Froment, nous n’en tenons pas à la veille de la ruine… Mais tu n’as jamais su conduire tes affaires.  »

Brusquement, Delaveau se leva, résistant encore à l’emportement qui l’envahissait.

«  Montons nous coucher… Tu finirais par me pousser à te dire des choses que je regretterais ensuite.  »

Elle ne bougea toujours pas, elle continua, devint si amère, si agressive en l’accusant d’avoir fait le malheur de sa vie, qu’il finit pas s’écrier, brutal à son tour  :

«  Mais enfin, ma chère, quand je t’ai épousée, tu n’avais pas un sou, c’est moi qui ai dû t’acheter des chemises. Tu allais être sur le pavé, et où serais-tu, à cette heure  ?   »

Outrageante, la gorge en avant, les yeux meurtriers, elle répondit  : «