Page:Zola - Travail.djvu/457

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Un matin, Suzanne s’était assise près du lit, après avoir relevé les rideaux, pour que le soleil d’hiver entrât, lorsqu’elle eut l’émotion d’entendre M. Jérôme parler. Depuis un instant, la face tournée vers une fenêtre, il regardait au loin l’horizon, de ses grands yeux clairs. Et il ne dit d’abord que deux mots  :

«  Monsieur Luc…  »

Suzanne, qui avait distinctement entendu, resta un moment frappée de surprise. Pourquoi monsieur Luc  ? Jamais M Jérôme ne s’était trouvé en relation avec Luc, il devait même ignorer son existence  ; à moins pourtant qu’il n’eût eu conscience des derniers événements, tout vu, tout compris, ce dont elle avait seulement le soupçon et la crainte. Ce «  monsieur Luc  » tombant de ses lèvres si longtemps closes, c’était la première preuve que, derrière son silence, il y avait une intelligence toujours éveillée, qui voyait et comprenait. Elle en sentit croître son angoisse.

«  C’est bien M. Luc que vous dites, grand-père  ?

— Oui, oui, M. Luc…  »

Il y mettait une netteté, une énergie croissantes, les yeux ardemment fixés sur elle.

«  Et pourquoi me parlez-vous de M. Luc  ? Vous le connaissez donc, vous avez donc quelque chose à me dire de lui  ?   »

Là, il hésita, ne trouvant sans doute pas les mots, puis, il répéta encore le nom de Luc, avec une impatience d’enfant.

«  Autrefois, reprit-elle, il était mon grand ami, mais voici de bien longues années qu’il ne vient plus.  »

Vivement, il hocha la tête, et alors il trouva, comme si sa langue se dénouait peu à peu.

«  Je sais, je sais… Je veux qu’il vienne…