Page:Zola - Travail.djvu/473

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demeure que nous n’avons pas su emplir, malgré notre argent, et je veux qu’elle soit à ces femmes, à ces enfants des ouvriers pauvres. On les y accueillera, on les y soignera, lorsqu’ils seront malades ou simplement las… Ne garde rien, rends tout, rends tout, mon enfant, si tu veux te sauver du poison. Et travaille, ne vis que de ton travail, et cherche la fille d’un ancien camarade qui travaille encore, épouse-la, aie d’elle de beaux enfants qui travailleront, qui seront des justes et des heureux, qui auront d’autres beaux enfants, pour l’éternel travail futur… Ne garde rien, mon enfant, rends tout, c’est l’unique salut, la paix et la joie.  »

Tous pleuraient, jamais souffle plus beau, plus grand, plus héroïque n’avait passé sur des âmes humaines. La vaste chambre en était devenue auguste. Et les yeux du vieillard qui l’avaient emplie de clarté, continuaient à s’éteindre peu à peu, tandis que sa voix, elle aussi, se faisait plus sourde, rentrait dans l’éternel silence. Il avait accompli son œuvre sublime de réparation, de vérité et de justice, aidant au bonheur qui est le droit primordial de tous les hommes. Et, le soir, il mourut.

Mais, lorsque Suzanne accompagna Luc, au sortir de la chambre de M. Jérôme, ils se retrouvèrent seuls un instant, dans le petit salon. Ils étaient tellement jetés hors d’eux-mêmes, bouleversés d’émotion, que tout leur cœur vint sur leurs lèvres.

«  Comptez sur moi, dit-il, je vous jure de veiller à l’exécution des volontés suprêmes dont vous êtes la dépositaire. Je vais m’y employer dès maintenant.  »

Elle lui avait pris les mains.

«  Oh  ! mon ami, je mets ma foi en vous… Je sais quels miracles de bonté vous avez réalisés déjà, je ne doute pas du prodige que vous achèverez, en nous réconciliant tous… Il n’y a que l’amour. Ah  ! si j’avais été aimée, comme j’aimais  !   »