Page:Zola - Travail.djvu/512

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«  Ah  ! maman, ah  ! papa, que dites-vous donc tous les deux  ? Croyez-vous qu’il s’agisse simplement d’un caprice de petite fille  ? … Je vous l’ai déclaré, je veux Lucien pour mari, et Lucien sera mon mari.  »

Mazelle, à demi vaincu par cette brusque apparition, se débattit encore.

«  Mais malheureuse enfant, songe donc  ! notre fortune, dont tu devais hériter, est déjà compromise, et tu te trouveras sans argent un jour.

— Comprends donc la situation, insista Mme Mazelle. Avec notre argent, même compromis, tu pourrais faire encore un mariage raisonnable.  »

Alors, Louise éclata, d’une véhémence joyeuse et superbe.

«  Votre argent, je m’en moque bien  ! Vous pouvez le garder, votre argent  ! Si vous me le donniez, votre argent, Lucien ne voudrait plus de moi… De l’argent, mais pour quoi faire  ? À quoi ça sert-il, l’argent  ? pas à aimer, pas à être heureux  ? Lucien me gagnera mon pain, et moi aussi, je le gagnerai, s’il est nécessaire. Ce sera délicieux.  »

Elle clamait cela avec une telle force de jeunesse et d’espoir, que les Mazelle, inquiets pour sa raison, voulurent la calmer, en cédant enfin. Ils n’étaient point d’ailleurs gens à résister davantage, désireux de sauver leur tranquillité dernière. Tout en buvant leur thé, le sous-préfet Châtelard, le maire Gourier et le président Gaume souriaient avec quelque embarras, car ils sentaient le libre amour de cette gamine les balayer comme des brins de paille. Il fallait bien consentir à ce qu’on ne pouvait empêcher.

Ce fut Châtelard qui conclut, de son air de moquerie aimable, à peine sensible.

«  Notre ami Gourier a raison, nous sommes finis, puisque ce sont les enfants qui font la loi.  »