Page:Zola - Travail.djvu/526

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génération nouvelle, active ouvrière de bonheur. Le grand-père consentit à ce qu’on le baisât, qu’on le caressât, sans repousser les enfants, comme il faisait à l’ordinaire. Bien qu’il eût juré de ne jamais les voir, il se laissa cette fois envahir. Mais il ne rendait pas les caresses, l’air déjà hors des temps, tel qu’un héros des époques abolies, chez lequel toute humanité était morte. Cela se passait par un jour d’automne sombre et froid, au crépuscule hâtif, dont le voile de crêpe tombait du ciel blafard, enveloppant la terre noire. Et il se leva, il ne rompit son éternel silence que pour dire  :

«  Allons  ! on m’attend, il y a une coulée encore.  »

C’était la dernière. Tous le suivirent devant le haut fourneau. Les hommes de l’équipe étaient là, noyés d’ombre, attendant, et ce fut l’habituelle besogne, le ringard enfoncé dans le tampon de terre réfractaire, le trou de coulée agrandi, enfin le flot tumultueux du métal en fusion roulant le long des rigoles son ruisseau de flammes, allant emplir les moules de mares embrasées. Une fois encore, de ce sillon, de ces champs de feu, se leva une moisson incessante d’étincelles, des étincelles bleues d’une légèreté délicate, des fusées d’or d’une délicieuse finesse, toute une floraison de bluets parmi des épis d’or. Une clarté aveuglante, dans le crépuscule morne, ensoleilla le haut fourneau, les constructions voisines, les toitures de Beauclair au loin, l’horizon immense. Puis, tout s’éteignit, la nuit profonde régna, et ce fut la fin, le haut fourneau avait vécu.

Morfain, qui avait regardé, sans une parole, ne bougeait pas, restait dans l’ombre, comme une de ces roches d’alentour que la nuit venait de reprendre.

«  Père, dit doucement Ma-Bleue, maintenant qu’il n’y aura plus d’ouvrage ici, il va falloir descendre chez nous. Depuis longtemps, ta chambre est prête.  »

Et Petit-Da dit à son tour  :