Page:Zola - Travail.djvu/547

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les réalités nécessaires, acquis aux faits scientifiques démontrés, dont l’ensemble constitue la certitude inébranlable. Maintenant, rien ne semblait plus logique ni plus profitable que de ne pas courber une classe entière sous la férule d’un maître, s’efforçant d’imposer sa foi personnelle à une cinquantaine d’écoliers, de cervelles et de sensibilités différentes. Il paraissait tout naturel d’éveiller seulement, chez ces écoliers, le désir d’apprendre, puis de les diriger dans leurs découvertes, de favoriser les facultés individuelles qui se manifestaient dans chacun. Les cinq classes étaient devenues ainsi des terrains d’expérience, où les enfants d’une façon graduée, parcouraient le champ des connaissances humaines, non plus pour les engloutir, goulûment, sans rien en digérer, mais pour éveiller chacun à leur contact sa propre énergie intellectuelle, pour se les assimiler selon sa personnelle compréhension, surtout pour décider la spécialité plus étroite où il se sentait entraîné. Jamais l’expression qu’on était là pour apprendre à apprendre n’avait encore été si vraie. C’était le débrouillage des jeunes cerveaux, le choix de chaque enfant parmi l’immensité du savoir, la meilleure façon logique d’utiliser plus tard tout son effort, tout ce qu’il apportait d’intelligence et d’énergie. Et cela grâce à l’attrait de l’étude, à la liberté saine et féconde, aux continuelles récréations de joie et de force dont on coupait les heures de travail.

Un instant encore, Luc et Suzanne durent attendre que les classes fussent terminées. De la galerie couverte, dont ils longeaient le promenoir à petits pas, ils pouvaient jeter un coup d’œil dans les grandes salles, où les élèves avaient chacun sa petite table et sa chaise. On avait renoncé aux tables et aux bancs continus, on leur donnait ainsi la sensation d’être leur maître. Mais quel gai spectacle, ces filles, ces garçons, ainsi mêlés au petit