il enleva la jolie fille, qui s’était jetée à son cou. Et, le lendemain, Michel, frappé au cœur et à la tête, dans cet effondrement de sa passion et de sa fortune, cédant à un vertige de monstrueuse horreur, se tua net, d’un coup de revolver.
Il y avait déjà trois ans de cela. Et les ruines hâtives des Qurignon s’étaient encore accumulées, comme pour un exemple du plus sévère des destins. Peu après le départ de Gustave, on avait appris qu’il était mort, à Nice, dans un accident de voiture, des chevaux emportés qui l’avaient jeté à un précipice. À Paris, le frère cadet de Michel, Philippe, venait aussi de disparaître, tué en duel, après toute une histoire malpropre, où l’avait entraîné sa terrible femme, qu’on disait maintenant en Russie, avec un chanteur ; et le seul enfant qu’ils avaient eu, André Qurignon, le dernier du nom, avait dû être enfermé dans une maison de santé, atteint d’une affection rachitique, que compliquaient des idées délirantes. En dehors de ce malade et de la tante Laure, qui était toujours au couvent, comme morte elle aussi, il ne restait donc plus que Suzanne, la fille de Michel. Suzanne, à vingt ans, cinq ans avant la mort de son père, avait épousé Boisgelin, qui s’était épris d’elle, à la suite d’une rencontre chez un voisin de campagne. D’ailleurs, bien que l’Abîme périclitât déjà, Michel, fastueux, avait pris des arrangements de façon à donner à sa fille un million de dot. De son côté, Boisgelin, très riche, tenait de son grand-père et de son père une fortune de plus de six millions, gagnée dans des affaires louches, tout un mauvais renom d’usure et de vol, dont, personnellement, le lavait son oisiveté absolue, depuis qu’il était au monde. Il était fort honoré, envié et salué, ayant à Paris, au parc Monceau, un hôtel superbe menant une vie de dépenses folles. Parés avoir mis sa distinction à être toujours le dernier de sa classe, au lycée Condorcet, qu’il étonnait par son élégance, il n’avait