Page:Zola - Vérité.djvu/189

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J’ai redonné trois francs ; et toujours rien. La colère m’a prise, j’ai bousculé la statuette du saint, qui est dans ma chambre, sur la commode. Et, comme il continuait à ne pas bouger, je lui ai tourné le nez contre le mur, pour qu’il réfléchisse. Il est resté une semaine ainsi : toujours rien. Ça ne l’humiliait pas assez, j’ai dû chercher ce qui le mortifierait davantage de son peu d’empressement, et je l’ai mis dans ma table de nuit, où il a passé toute une autre semaine inutilement encore. J’étais furieuse, j’ai fini par le descendre dans mon puits, pendu à une corde, la tête en bas… Ah ! ma chère, cette fois, il a compris qu’avec moi il n’aurait pas le dernier mot, et il n’y était pas depuis deux heures, que des locataires se présentaient et louaient ma petite maison.

— Et vous l’avez retiré du puits ?

— Oh ! tout de suite, je l’ai remis sur ma commode, en l’essuyant bien proprement et en lui faisant des excuses… Nous ne sommes pas fâchés, au contraire. Seulement, quand on a payé, il faut être énergique.

— Bon ! ma chère, je tâcherai… J’ai des ennuis avec le juge de paix, je vais entrer donner quarante sous, et si le saint ne me fait pas gagner, je lui marquerai mon mécontentement.

— C’est ça, ma chère. Attachez-lui une pierre au cou, ou bien fourrez-le dans votre linge sale. Il n’aime pas beaucoup ça, non plus. Ça le décidera.

Marc, dans son amertume, ne put s’empêcher de s’égayer un instant. Et il continuait d’écouter, il entendait près de lui un groupe d’hommes graves, parmi lesquels il reconnut le conseiller municipal Philis, le rival clérical du maire Darras, déplorer que pas une commune de l’arrondissement ne se fût encore consacrée au Sacré-Cœur de Jésus. Ce culte du Sacré-Cœur était l’autre invention génial, plus dangereuse que la basse exploitation de Saint Antoine de Padoue, destinée à reconquérir