Page:Zola - Vérité.djvu/19

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au moment même de la découverte du crime.

— Ne touchez à rien, ne dérangez rien, cria Marc. Il faut tout de suite courir chez le maire et à la gendarmerie.

Des gens commençaient à s’attrouper, un jeune homme se chargea de la commission, partit au galop, pendant que Marc continuait à examiner la chambre. Devant le corps, il vit le frère Fulgence, bouleversé de pitié, les yeux pleins de larmes, en homme nerveux que les grosses émotions jetaient hors de lui. Il fut touché de cette attitude, il était lui-même frissonnant des détails qu’il constatait, de la nature abominable des outrages, où se révélait un sadisme ignoble et sournois, la signature même du violateur et de l’assassin. Cela l’effleura brusquement d’une certitude, que plus tard il devait retrouver. Mais la sensation s’effaça, il ne remarqua plus que le père Philibin, d’un grand calme navré, qui tenait toujours à la main le numéro du journal et le modèle d’écriture. Un instant, le jésuite avait tourné le dos, comme pour regarder sous le lit, puis il était revenu.

— Tenez ! dit-il de lui-même, en montrant le numéro du journal et le modèle, voici ce que j’ai trouvé par terre, roulé en tampon ; il est bien certain que le meurtrier a essayé d’enfoncer ce tampon dans la bouche de l’enfant, pour étouffer ses cris. N’y réussissant pas, il l’aura étranglé… Et, vous voyez, le modèle, souillé de salive, porte la trace des dents du pauvre petit… N’est-ce pas ? monsieur Mignot, le tampon était là, près de ce pied de table. Vous l’avez vu.

— Oh ! bien sûr, dit l’adjoint. Je l’avais aperçu tout de suite.

Comme il se rapprochait, pour examiner encore le modèle d’écriture, il eut un vague sentiment de surprise, en constatant que le coin de droite, en haut, manquait,