Page:Zola - Vérité.djvu/236

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— C’est donc bien difficile à dire ?

— Oui, monsieur, c’est un mensonge que je vous ai fait et qui me rend malheureux.

Marc souriait, s’attendait à quelque peccadille, quelque gros scrupule enfantin.

— Alors, dites-moi la vérité, ça vous soulagera.

Il y eut encore un assez long silence, tout un combat intérieur qui se lisait dans les limpides yeux bleus, et jusque sur les lèvres pures. Enfin, Sébastien se décida.

— Eh bien ! monsieur, je vous ai menti, autrefois, lorsque j’étais un tout petit garçon ignorant, je vous ai menti, en vous disant que ce n’était pas vrai, que je n’avais pas vu, entre les mains de mon cousin Victor, le modèle d’écriture, vous vous souvenez, ce modèle dont on a tant causé. Il m’en avait fait cadeau, inquiet de l’avoir apporté de chez les frères, ne voulant pas le garder lui-même. Et, le jour où je vous ai dit ne pas même savoir ce dont il s’agissait, je venais de le cacher dans un cahier à moi.

Saisi, Marc l’écoutait. C’était comme une évocation de l’affaire Simon, toute l’affaire qui se dressait du sommeil où elle semblait dormir. Il voulut cacher son frémissement, cette secousse profonde dont il était bouleversé.

— Vous ne vous trompez pas cette fois encore, le modèle portait bien ces mots : « Aimez-vous les uns les autres » ?

— Oui, monsieur.

— Et il y avait bien, au bas, un paraphe ? Je vous ai expliqué ce qu’on appelle un paraphe.

— Oui, monsieur.

Marc se tut un instant. Son cœur battait violemment dans sa poitrine, il craignait de laisser échapper le cri qui montait à ses lèvres. Puis, il désira plus de certitude encore.

— Mais, mon enfant, pourquoi avez-vous gardé le