Page:Zola - Vérité.djvu/252

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Puis, abordant le sujet qui avait motivé son pressant appel :

— J’ai voulu vous voir pour causer avec vous de l’incident dont tout le monde s’occupe, de ce crucifix que vous avez décroché du mur de votre classe… Vous connaissez ma façon de penser, l’école doit être essentiellement laïque, et vous avez bien agi en y supprimant tout symbole religieux. Mais vous ne vous imaginez pas la tempête que vous allez soulever… Le pis est l’intérêt que les bons frères et les jésuites, leurs soutiens, ont maintenant à ruiner votre situation, à vous supprimer, dans la terreur où ils sont des armes qu’ils croient en vos mains. Et, du moment où vous prêtez le flanc, ils se ruent à l’attaque.

Marc comprit alors. Il eut un geste de bravoure, comme pour accepter la lutte.

— N’ai-je pas été prudent, selon vos bons conseils ? n’ai-je pas attendu deux grandes années, avant d’enlever cette croix, pendue là après la condamnation et le départ de Simon, ainsi qu’une prise de possession de notre école communale par le cléricalisme triomphant ? Je l’ai remise debout, prospère et libre, cette pauvre école, suspectée, frappée de discrédit, et n’est-il pas bien légitime que mon premier acte de maître accepté aujourd’hui victorieux, soit de la libérer de tout emblème, de la rendre à la neutralité religieuse dont elle n’aurait pas dû sortir ?

Salvan l’interrompit.

— Encore une fois, je ne vous blâme pas. Vous avez été plein de patience et de tolérance. Votre acte n’en tombe pas moins dans un terrible moment. Et je tremble pour vous, et j’ai voulu précisément m’entendre avec vous, afin de faire face au danger, s’il est possible.

Ils s’assirent, ils causèrent longuement. La situation politique du département continuait à être exécrable. De nouvelles élections venaient d’avoir lieu, et elles avaient indiqué un pas de plus dans la voie de la réaction cléricale.