et jolie, résignée jusqu’au jour où elle trouve une consolation discrète.
— Ma femme n’a pas et ne doit pas avoir d’autre opinion que la mienne, finit par déclarer Savin. C’est en son nom, comme au mien, comme en celui de beaucoup d’autres parents, je vous le répète, que j’ai fait ma démarche auprès de vous… Maintenant, c’est à vous de voir si vous devez en tenir compte. Vous réfléchirez.
Redevenu grave, Marc répondit :
— J’ai réfléchi, monsieur Savin. Avant d’enlever cette croix, j’ai parfaitement su ce que j’allais faire ; et, puisqu’elle n’est plus là, je ne l’y remettrai certainement pas.
Le lendemain, le bruit courait dans Maillebois qu’une délégation de parents, des pères, des mères, étaient allés trouver l’instituteur, et qu’il y avait eu toute une explication orageuse, un affreux scandale. Mais Marc comprit surtout d’où partait le coup, quand un hasard lui apprit la vraie cause de la démarche de Savin. La jolie Mme Savin, si désintéressée dans l’affaire, toute à son unique désir personnel d’être plus heureuse, n’en avait pas moins servi d’instrument, aux mains du père Théodose ; car c’était prévenu par elle, que son mari avait eu une entrevue secrète avec le capucin, qui l’avait décidé à se rendre chez l’instituteur, pour faire cesser un état de choses si préjudiciable aux bonnes mœurs, à la bonne police dans le ménage et dans la famille. Plus de croix à l’école, n’était-ce pas l’indiscipline chez les garçons, le dévergondage chez les filles et chez la mère ? Et le petit et maigre Savin, le républicain, l’anticlérical, malade de sa misérable vie manquée et de son imbécile jalousie, avait marché pour la vertu, en autoritaire, en catholique à rebours, qui rêve le paradis humain comme une geôle où tout l’homme serait dompté, écrasé.
Puis, derrière le père Théodose, Marc devina aisément