Page:Zola - Vérité.djvu/266

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Bergerot, dont il allait chaque semaine recevoir les ordres et consoler la défaite, au fond de son palais épiscopal de Beaumont. Tous les deux, l’évêque et le curé, jetaient le manteau de leur sacerdoce sur la plaie dévorante de l’Église, en enfants respectueux, cachant leurs larmes et leurs craintes, ne pouvant avouer à quel danger mortel ils la voyaient tomber.

Un soir, l’adjoint Mignot, qui revenait de la cour de récréation, dit furieusement à Marc :

—Vous savez, monsieur, c’est dégoûtant : j’ai encore surpris Mlle  Rouzaire sur une échelle, en train de nous moucharder.

En effet, quand elle croyait ne pas être vue, l’institutrice appuyait une échelle contre le mur mitoyen, afin de se renseigner sur ce qui se passait dans l’école des garçons ; et Mignot l’accusait d’envoyer ensuite, chaque semaine, des rapports secrets à Mauraisin, l’inspecteur primaire.

— Qu’elle moucharde ! dit Marc gaiement. Elle a bien tort de se fatiguer les pieds sur une échelle. Je lui ouvrirai la porte toute grande, si elle veut.

— Ah ! non, par exemple ! cria l’adjoint. Chacun chez soi. Si elle recommence, j’irai la tirer par les pieds.

Peu à peu, Marc avait achevé de le conquérir, et c’était là comme le sauvetage d’une conscience, dont il se montrait très heureux. Avec Simon, autrefois, Mignot s’était toujours méfié, fils de paysans, simplement désireux d’échapper au labour, d’esprit et de caractère moyens, ne songeant guère qu’à son intérêt immédiat, comme il y en a tant. Ce juif ne lui disait rien de bon, il jugeait prudent de se tenir à l’écart. Aussi, lors du procès, tout en ayant la sourde honnêteté de ne pas accabler l’innocent, il n’avait pas apporté le véridique et bon témoignage qui aurait pu le sauver. Puis, à l’égard de Marc, plus tard, il s’était