Page:Zola - Vérité.djvu/270

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vois depuis quelque temps la Rouzaire tourner autour de votre femme. Et ce sont des « chère madame » par-ci, des sourires et des caresses par-là, toutes sortes d’avances dont je tremblerais, à votre place.

Marc, étonné, affecta de rire.

— Oh ! ma femme n’a rien à craindre, elle est prévenue. Il lui est bien difficile de se montrer impolie à l’égard d’une voisine, dont nous rapprochent des fonctions communes.

Mignot n’insista pas. Mais il hochait la tête, il semblait ne pas vouloir tout dire, son existence près du ménage l’ayant mis au courant du drame secret qui s’y nouait lentement. Et Marc se tut, lui aussi, pris de cette crainte sourde, de cette faiblesse inavouée qui le paralysaient, chaque fois qu’une lutte possible, entre Geneviève et lui, venait à sa pensée.

Brusquement, l’attaque de la congrégation, qu’il attendait, depuis sa visite à Salvan, se produisit. La campagne débuta par un furieux rapport de Mauraisin, dans lequel il relatait le crucifix décroché du mur, le scandale soulevé chez les parents par cet acte d’intolérance religieuse. La protestation de l’employé Savin y était mentionnée, les familles Doloir et Bongard s’y trouvaient citées également, comme ayant témoigné leur blâme. Un tel fait prenait une gravité exceptionnelle, dans une petite ville d’esprit clérical, lieu réputé et très fréquenté de nombreux pèlerinages, où l’école laïque avait besoin de se faire accepter grâce à beaucoup de concessions, si l’on ne voulait pas la faire battre par l’école congréganiste ; et Mauraisin concluait au déplacement de l’instituteur, un sectaire de la pire espèce, assez peu avisé pour compromettre ainsi l’Université. En outre, une foule de petits faits complétaient l’acte d’accusation, toute la moisson des espionnages quotidiens de Mlle Rouzaire, dont les fillettes si dociles, sans cesse à la messe, au