Page:Zola - Vérité.djvu/272

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dont la France libre devait mourir. Mais l’expérience lui avait démontré le danger d’une action violente, il s’en tenait à un plan médité longuement et sagement exécuté, qui le faisait passer pour tiède aux yeux des ardents. Sans doute sa nature pondérée, sa volonté douce et tenace était-elle pour beaucoup dans son attitude. On citait de lui des victoires lentes et extraordinaires, dues à des années d’efforts cachés, irrésistibles. Dès les premiers mots, il parut désapprouver l’acte de Marc, l’enlèvement du crucifix, une manifestation inutile, disait-il, tout en faisant remarquer que rien dans la loi ne forçait un instituteur à tolérer des emblèmes religieux, aux murs de sa classe. Il y avait là simplement un usage, sur lequel il laissa même percer son opinion, une condamnation discrète. Puis, comme Sanglebœuf s’emportait, parlait haut en défenseur de l’église, traitant l’instituteur d’homme de scandale et de honte, qui ameutait tout Maillebois contre lui, l’inspecteur promit placidement d’étudier la question avec tout le soin qu’elle méritait. N’avait-il donc pas reçu un rapport de son subordonné Mauraisin ? Ce rapport ne suffisait-il donc pas à lui montrer la gravité du mal, un poison, une démoralisation dont il fallait arrêter les effrayants progrès par un déplacement immédiat ? Et, à cette question du député, Le Barazer affecta la plus profonde surprise : quel rapport ? ah, oui ! le rapport trimestriel de l’inspecteur primaire !

On le connaissait donc ? Mais ces rapports, purement administratifs, ne sont que des éléments d’appréciation pour l’inspecteur d’académie, dont le rôle strict est de se renseigner par lui-même. Et il renvoya ces messieurs, en leur promettant encore de tenir un grand compte de leur démarche.

Un mois se passa. Marc, qui, chaque jour, s’attendait à être appelé à la préfecture, ne vit rien venir. Sans doute, Le Barazer suivait son habituelle tactique, laissait