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Page:Zola - Vérité.djvu/281

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par celle de l’instituteur, qui marchait volontairement derrière lui, en homme certain de tirer un beau bénéfice de sa soumission.

Cependant, quand l’idée naquit de consacrer Jonville au Sacré-Cœur, il y eut quelque effarement et quelque résistance. Cette idée venait on ne savait d’où, personne n’aurait pu dire qui en avait parlé le premier. Mais immédiatement l’abbé Cognasse, avec sa nature âpre et combative, en avait fait une affaire à lui, mettant une grande gloire personnelle à être le premier curé de la contrée qui conquerrait ainsi toute une commune à Dieu. Il déchaîna un tel bruit, que Mgr Bergerot le fit mander à Beaumont, mécontent, désespéré de cette menace d’une superstition nouvelle, dont la basse idolâtrie le navrait secrètement ; et la scène fut lamentable et terrible, disait-on, l’évêque dut céder une fois de plus. À Jonville, il y eut deux séances du conseil municipal tumultueuses, des membres voulaient savoir ce que ça leur rapporterait. Un instant, on put croire l’affaire condamnée, enterrée. Alors, Jauffre, qui, lui aussi, alla un jour à Beaumont, sans qu’on pût deviner exactement avec quel personnage il s’y était rencontré, reprit en douceur les pourparlers entre le curé et le conseil municipal. Il s’agissait d’établir ce que gagnerait la commune à se consacrer ainsi au Sacré-Cœur ; et, d’abord, il annonça des cadeaux promis par des dames de Beaumont, un calice d’argent, une nappe d’autel, avec des vases de fleurs et une grande statue de Jésus, à l’énorme cœur flambant et saignant, peint sur la poitrine. Ensuite, on parlait de donner cinq cents francs de dot à la fille de la Vierge la plus méritoire, lorsqu’elle se marierait. Et ce qui parut surtout décider le conseil, ce fut la promesse d’établir dans le pays une succursale du Bon Pasteur, où deux cents ouvrières travailleraient à de la lingerie fine, chemises, jupons et pantalons de femme, pour les grands magasins de Paris. Déjà les paysans