Page:Zola - Vérité.djvu/308

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avec ta vérité, ta justice immondes, et c’est le diable, oui ! le diable qui fait la classe, en bas, à ces misérables enfants, que je finis même par ne plus plaindre, tant ils sont stupides de rester là.

— Ma pauvre chérie, tu étais si intelligente, comment peux-tu dire des bêtises pareilles ?

— Eh bien ! quand les femmes sont bêtes, on les laisse.

Et, s’irritant à son tour, il la laissait en effet, ne tâchait pas de la ramener, dans une bonne caresse, comme autrefois. Souvent, ils ne pouvaient plus s’endormir, ils restaient l’un et l’autre les yeux grands ouverts sur les ténèbres de la chambre. Et ils savaient très bien qu’ils ne dormaient pas, et ils veillaient ainsi, muets, immobiles dans le noir, comme si l’étroit espace qui les séparait, entre les draps, fût devenu un gouffre sans fond.

Ce qui désespérait Marc surtout, c’était cette sorte de haine croissante que Geneviève témoignait contre son école, les chers enfants dont l’instruction le passionnait. À chaque explication, elle disait son amertume, elle semblait devenir jalouse de ces petits êtres, en le voyant si tendre pour eux, si zélé à faire d’eux des hommes de raison et de paix. Même, au fond, leur querelle n’avait pas d’autre cause, car elle n’était qu’un de ces enfants, un de ces esprits à instruire et à libérer, qui se révoltait, s’obstinant dans l’erreur séculaire. Toute la tendresse humaine qu’il leur donnait, ne la lui volait-il pas, à elle ? Tant qu’il s’occuperait si paternellement d’eux, elle ne le reprendrait pas, ne l’emmènerait pas avec elle dans cet abêtissement divin, si doux, où elle aurait voulu l’endormir, entre ses bras. La lutte finissait par être uniquement là, et elle ne passait plus devant la classe sans avoir envie de se signer, bouleversée de l’œuvre diabolique qui s’y accomplissait, irritée de ne pouvoir arracher à sa besogne impie l’homme dont elle partageait encore la couche.