Page:Zola - Vérité.djvu/334

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qui recommencez, sans que je me sois permis la moindre allusion. À quoi bon cette dispute encore ? ma conviction est absolue.

— Et vous connaissez le vrai coupable, vous allez le dénoncer à la justice ? demanda la vieille dame hors d’elle.

— Évidemment.

Tout d’un coup, Pélagie qui commençait à desservir, ne put se contenir davantage.

— En tout cas, ce n’est pas le frère Gorgias, moi, j’en réponds !

Soudainement illuminé, Marc se tourna vers elle.

— Pourquoi me dites-vous cela ?

— Mais parce que, le soir du crime, le frère Gorgias était allé accompagner mon neveu Polydor jusque chez son père, sur la route de Jonville, et qu’il est rentré à l’école avant onze heures. Polydor et d’autres témoins en ont témoigné, au procès.

Il continuait à la regarder fixement, et tout un travail achevait de se faire en lui. Ce qu’il avait longtemps soupçonné se matérialisait, devenait une certitude. Il voyait le frère accompagner Polydor, revenir dans la nuit chaude, s’arrêter devant la fenêtre grande ouverte de Zéphirin ; et il l’entendait causer avec l’enfant, à moitié dévêtu déjà ; et le frère enjambait l’appui bas de la fenêtre, pour regarder les images sans doute ; et il se ruait, pris d’une folie brusque, à la vue de cette pâle chair du petit infirme séraphique, le jetant sur le carreau, étouffant son cri ; et, l’enfant violé, étranglé, il repartait par la fenêtre, qu’il laissait grande ouverte. C’était dans sa poche qu’il avait pris le numéro du Petit Beaumontais, pour en faire un tampon, sans s’apercevoir, en son trouble, que le modèle d’écriture s’y trouvait avec le journal. Et c’était le père Philibin qui, le lendemain, lors de la découverte du crime, ne pouvant détruire ce