Page:Zola - Vérité.djvu/36

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une voix pitoyable, quel chagrin ce doit être pour lui, car il aimait beaucoup son neveu et il se conduisait très bien à son égard ! J’en ai eu la preuve.

Ce témoignage si spontané fit plaisir à Marc, qui continua de causer un instant avec le prêtre. Mais un père capucin s’approcha, le père Théodose, le supérieur de la petite communauté qui desservait la chapelle voisine. Homme superbe, de beau visage aux larges yeux ardents, et qu’une admirable barbe brune rendait majestueux, il était un confesseur réputé, un orateur mystique dont la voix chaude faisait accourir les dévotes. Bien qu’en sourde guerre avec le curé Quandieu, il affectait à son égard une attitude déférente de serviteur de Dieu plus jeune et plus humble. Tout de suite, il dit son émotion, sa douleur : ce pauvre enfant, que la veille au soir, à la chapelle, il avait remarqué, tant sa dévotion était vive, un véritable ange du ciel, avec son adorable tête blonde et frisée de chérubin ! Marc, immédiatement, s’était hâté de prendre congé, dès les premiers mots du père Théodose, qu’il tenait en une méfiance, en une antipathie invincibles. Et, cette fois, il rentrait déjeuner, lorsqu’il fut arrêté de nouveau, une main amicale s’étant posée sur son épaule.

— Tiens, Férou !… Vous êtes donc à Maillebois ?

Férou était instituteur au Moreux, à quatre kilomètres de Jonville, petite commune isolée qui n’avait pas même de curé à elle, et qui était desservie par l’abbé Cognasse, le curé de Jonville. Aussi Férou y menait-il une vie de misère noire, avec sa femme et ses trois enfants, trois filles. C’était un grand diable de trente ans, dégingandé, dont les vêtements semblaient toujours trop courts. Des épis hérissaient ses cheveux bruns, sur sa tête longue et osseuse, au nez bossué, à la bouche large, au menton saillant. Et il ne savait que faire de ses grands pieds et de ses grandes mains.