Page:Zola - Vérité.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

soir de la trouvaille, le père Philibin, qui ne tombait encore sous le coup d’aucun mandat d’arrestation, disparut. Et, comme des âmes pieuses s’informaient de son sort avec sollicitude, il leur fut répondu que le père Poirier, provincial de Beaumont, avait décidé de l’envoyer en retraite dans un couvent d’Italie, où d’un coup, et ainsi qu’en un gouffre, il se trouva enseveli sous l’éternel silence.

Maintenant, la révision du procès Simon paraissait inévitable. Delbos, triomphant, appela tout de suite David et Marc, afin d’arrêter la façon dont la demande serait lancée au ministre de la Justice. C’était Delbos qui avait soupçonné l’existence possible du fragment portant le cachet de l’école des frères, et c’était lui qui venait de provoquer la trouvaille, fait nouveau suffisant pour faire casser l’arrêt de la cour de Beaumont. Il fut même d’avis de se contenter de ce fait, en laissant de côté, pour le moment, la communication illégale du président Gragnon aux membres du jury, difficile encore à prouver, et sur laquelle l’enquête ferait sûrement la lumière. La meilleure tactique à suivre lui semblait être de marcher droit au frère Gorgias, maintenant que la vérité éclatait, ruinant le rapport des experts, apportant des certitudes indiscutables, la provenance du modèle, timbré, paraphé, à ce point accusateur que le père Philibin s’était rendu complice, par la dissimulation et le mensonge. Et, quand David et Marc sortirent de chez Delbos, la décision était prise, David écrivit dès le lendemain au ministre une lettre de dénonciation formelle, dans laquelle il accusait le frère Gorgias d’avoir violé et assassiné le petit Zéphirin, crime pour lequel son frère Simon était au bagne depuis dix ans.

Alors, l’émotion fut à son comble. Le lendemain de la trouvaille du fragment, parmi les dossiers du père Philibin, il y avait eu une heure de lassitude et de défaite, même chez les plus ardents soutiens de l’Église.