Page:Zola - Vérité.djvu/372

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jetée à la boue, outragée chaque matin, accusée de s’être vendue aux juifs. Le Petit Beaumontais indiquait nettement les sommes, diffamait le président, le procureur général, les conseillers, en racontant d’abominables histoires intimes, inventées de toutes pièces. Pendant les deux mois que dura l’instruction de l’affaire, le fleuve d’immondices ne cessa de couler, il n’y eut pas d’iniques manœuvres, de mensonges et même de crimes, qui ne furent tentés, pour arrêter dans sa marche l’inexorable justice. Enfin, après des débats mémorables, où quelques magistrats donnèrent un grand exemple de saine raison et d’équité courageuse, au-dessus des passions, l’arrêt fut rendu, et bien que prévu à l’avance, il éclata en coup de foudre. La Cour retenait la demande, disait qu’il y avait lieu à réviser et concluait à la nécessité d’une enquête, dont elle-même se chargeait.

Ce soir-là, Marc, ayant fini sa classe, se trouvait seul dans son petit jardin, par un doux crépuscule de printemps. Louise n’était pas revenue encore de l’école, où Mlle  Mazeline la retenait parfois, en élève préférée. Geneviève, depuis le déjeuner, était partie chez sa grand-mère, près de laquelle, désormais, elle passait ses journées presque entièrement. Et, malgré le frais parfum des lilas, dans l’air si tiède, Marc promenait le long des allées l’amère torture de son ménage dévasté. Il n’avait pas cédé sur la confession, sa fille venait même de quitter le catéchisme, le prêtre n’ayant plus voulu l’y admettre, si elle ne passait point par le confessionnal. Mais il lui fallait batailler, matin et soir, sous les attaques de sa femme, exaspérée, affolée à l’idée de la damnation de Louise, dont elle se rendait complice, en ne trouvant pas la force de la prendre dans ses bras, de la porter elle-même au tribunal de la pénitence. Elle se rappelait son adorable communion à elle, ce plus beau jour de sa vie, avec la robe blanche, l’encens, les cierges, le doux