Page:Zola - Vérité.djvu/374

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révélation de l’amour, elle lui appartenait toute, elle s’abandonnait entre ses bras, si confiante, si prête à ne faire qu’une avec lui, chair et pensée. Lui seul aurait eu le pouvoir, à cette heure unique, d’arracher la femme au prêtre, en faisant de l’éternelle enfant, courbée sous la peur de l’enfer, la compagne consciente de sa vie, une intelligence libérée, capable de vérité et de justice. Dans leurs premières querelles, Geneviève le lui avait crié : « Si tu souffres de voir que nous ne pensons pas de même, c’est ta faute. Il fallait m’instruire. Je suis ce qu’on m’a faite, et le malheur est que tu n’as pas su me refaire. » Désormais, elle n’en était plus là, elle ne lui accordait pas qu’il pût agir sur elle, dans l’inébranlable orgueil de sa foi. Seulement, il se souvenait amèrement de l’occasion perdue, il déplorait son adoration égoïste, en ce délicieux printemps de leur ménage, toujours à s’émerveiller de sa beauté, à la trouver parfaite, sans que l’inquiétude le prît de descendre en sa conscience et de l’éclairer. Puis, à cette époque-là, il ne songeait point encore à être l’artisan de vérité qu’il était devenu, il acceptait certains compromis, en se croyant assez aimé, assez fort, pour rester le maître. Et toute sa torture, aujourd’hui, venait de sa vanité d’homme, des faiblesses aveugles de son amour.

Marc s’arrêta devant un lilas fleuri de la veille, d’un parfum pénétrant, tandis qu’une flamme, un besoin de lutte remontait en lui. S’il n’avait pas fait son devoir, autrefois, en agissant, en s’efforçant de libérer cette intelligence qu’on lui livrait, si imprégnée d’erreurs, était-ce donc une raison pour ne pas le faire aujourd’hui, en empêchant la fille de se perdre après la mère ? La faute allait devenir d’autant plus impardonnable, qu’il s’était maintenant donné une tâche. Il avait accepté de sauver du mensonge séculaire les enfants des autres, et il offrirait le lâche exemple de ne pouvoir en préserver sa