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Page:Zola - Vérité.djvu/40

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de silence, la grand-mère eut un cri.

— J’espère bien que vous n’allez pas vous occuper de cette abominable histoire !

— Certes, répondit-il simplement, j’espère bien aussi n’avoir pas à m’en occuper, à moins que mon devoir ne soit de le faire.

Et, Pélagie ayant servi une omelette, puis des tranches de mouton grillées sur une purée de pommes de terre, il conta ce qu’il savait, il donna tous les détails. Geneviève l’écoutait, frémissante d’horreur et de pitié, tandis que sa mère, Mme Berthereau, très émotionnée elle aussi, retenait des larmes, en jetant de furtifs coups d’œil sur Mme Duparque, comme pour savoir jusqu’où son attendrissement pouvait aller. Mais celle-ci était retombée dans sa muette désapprobation de tout ce qui lui paraissait contraire à la règle. Elle mangeait posément, elle finit par dire :

— Dans ma jeunesse, je me souviens très bien qu’un enfant disparut, à Beaumont. On le retrouva sous le porche de Saint-Maxence, le corps coupé en quatre morceaux ; et il n’y avait que le cœur qui manquait… On accusa les juifs d’avoir eu besoin de ce cœur, pour le pain azyme de leur Pâque.

Béant, Marc la regardait.

— Vous ne parlez pas sérieusement, grand-mère, vous ne croyez pas à ces stupidités infâmes ?

Elle tourna vers lui ses yeux froids et clairs ; et, sans répondre d’une façon directe :

— C’est simplement un vieux souvenir qui me revient… Je n’accuse personne, bien entendu.

Mais Pélagie, qui apportait le dessert, osa se mêler à la conversation, avec sa familiarité d’ancienne servante.

— Madame a bien raison de n’accuser personne, et le monde devrait faire comme madame… Le quartier est en révolution depuis ce crime, on n’a pas idée des histoires