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Page:Zola - Vérité.djvu/423

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semblait très lasse, le front chargé d’une pensée trop lourde. Maintenant, penchée sur son papier, elle n’écrivait pas, elle réfléchissait. Et elle se décida enfin à poser sa plume, elle parla dans la grande paix triste de la maison.

— Mon papa, j’ai quelque chose à te dire qui me chagrine beaucoup. Je vais te faire certainement une grosse, grosse peine, et c’est pourquoi je n’en ai pas encore trouvé le courage. Mais, pourtant, je me suis bien promis de ne pas me coucher, sans t’apprendre ma résolution, tellement je la crois raisonnable et nécessaire.

Marc avait vivement levé la tête, le cœur serré, pris de peur, devinant le dernier désastre, à la voix tremblante de l’enfant.

— Quoi donc ? ma chérie.

— Eh bien ! mon papa, j’ai réfléchi, j’ai passé toute la journée encore à retourner cette chose dans ma petite tête, et il me semble que, si tu es de mon avis, je dois te quitter pour aller vivre avec maman, chez grand-mère.

Il fut bouleversé, il protesta d’abord violemment.

— Comment, de ton avis ! Mais je ne veux pas ! Mais, de toutes mes forces, je te retiendrai, je t’empêcherai de m’abandonner à ton tour !

— Oh ! mon papa, murmura-t-elle, désolée, réfléchis rien qu’un tout petit peu, et tu verras bien que j’ai raison.

Il ne l’écoutait pas, il s’était levé, il marchait éperdument dans la pièce à demi obscure.

— Je n’ai plus que toi, et tu partirais ! On m’a pris ma femme, et maintenant on me prendrait ma fille, on me laisserait seul, nu, abandonné, sans une tendresse ! Ah ! je le sentais venir, ce coup de grâce, je prévoyais bien que les mains abominables, dans l’ombre, m’arracheraient ce dernier lambeau de mon cœur !… Non, non ! c’est trop, jamais je ne consentirai à cette séparation !