Page:Zola - Vérité.djvu/425

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ma première communion… Alors, pourquoi ne pas leur prouver qu’ils se trompent ? Demain, j’irai habiter chez grand-mère, et ils verront bien, ils devront reconnaître leur erreur profonde, car ça ne m’empêchera pas de leur répéter toujours la même réponse : « Je me suis engagée à ne pas faire ma première communion, avant mes vingt ans, de façon à pouvoir accepter pleinement la responsabilité d’un tel acte, et je tiendrai ma promesse, j’attendrai. »

Il eut un geste de doute.

— Ma pauvre enfant, tu ne les connais guère, ils t’auront brisée, conquise, au bout de quelques semaines. Tu n’es encore qu’une petite fille.

À son tour, elle se révolta.

— Ah ! tu n’es guère gentil, mon papa, de me croire si peu sérieuse ! Une petite fille c’est vrai, mais ta petite fille, et qui s’en fait gloire !

Elle avait dit ça d’un tel air de bravoure enfantine, qu’il ne put s’empêcher d’en sourire. Elle lui faisait chaud au cœur, cette mignonne, en qui, par moments, il se retrouvait tout entier, avec de la réflexion et de la logique dans la passion. Il la regardait, la trouvait très belle et très sage, le visage à la fois solide et fier, les yeux clairs, admirables de franchise. Et il l’écoutait toujours, tandis que, lui gardant les deux mains entre les deux siennes, elle continuait à faire valoir les raisons qui la décidaient à rejoindre sa mère, dans la petite maison dévote de la place des Capucins. Sans même effleurer les affreuses calomnies répandues, elle laissa entendre combien on leur saurait gré de ne pas braver l’opinion publique. On disait partout que sa place était chez ces dames, elle consentait donc à s’y rendre et elle avait beau n’avoir que treize ans, elle y serait certainement la plus raisonnable, on verrait bien si elle n’y ferait pas la meilleure besogne.

— N’importe, mon enfant, finit-il par dire, d’un air de grande