Page:Zola - Vérité.djvu/459

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle s’irrite tout de suite, elle crie, elle va bouder dans sa chambre, comme elle faisait ici, avant son départ.

Il écoutait, sans vouloir dire la joie secrète, l’espoir qui se réveillait en lui.

— Et, reprit-il, Mme Berthereau, s’en mêle-t-elle, de ces discussions-là ?

— Oh ! grand-mère Berthereau ne dit jamais rien. Elle est, je crois, avec maman et moi ; mais elle n’ose pas nous soutenir, dans la crainte d’avoir des ennuis… Elle a l’air bien souffrant et bien triste.

Mais des mois encore s’écoulèrent, et Marc ne voyait aucune de ses espérances se réaliser. Il mettait d’ailleurs à questionner sa fille une grande discrétion, car il lui répugnait d’en faire une sorte d’espionne, le renseignant sur tout ce qui se passait dans la petite maison morne de la place des Capucins. Pendant des semaines, lorsqu’elle cessait de parler d’elle-même, il retombait dans son ignorance anxieuse, il perdait de nouveau tout espoir. Et il lui restait l’unique consolation des bonnes après-midi du jeudi et du dimanche, si délicieusement passées avec elle. Souvent, les deux camarades de l’École normale, Joseph Simon et Sébastien Milhomme, arrivaient de Beaumont vers trois heures, restaient à Maillebois jusqu’à six, heureux de retrouver là leur ancienne petite amie Louise, toute vibrante comme eux de jeunesse, de courage et de foi. C’étaient de grandes causeries, égayées de rires, qui laissaient de la joie pour la semaine dans le triste logis solitaire. Marc en était réconforté, priant parfois Joseph de ramener sa sœur Sarah de chez les Lehmann, où il allait d’abord embrasser les siens, disant aussi à Sébastien combien il serait heureux de voir venir avec lui sa mère, Mme Alexandre. Il aurait voulu grouper autour de sa personne tous les braves gens, toutes les forces de l’avenir. Et, dans ces réunions si affectueuses,