Page:Zola - Vérité.djvu/462

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Il n’est pas à la merci des prêtres, c’est un des très rares chrétiens qui dépendent uniquement de leur conscience. On m’a conté, sur ses entrevues avec le père Crabot, des choses extraordinaires. Le jésuite parlait de haut, croyait l’écraser d’abord, au nom de son Dieu autoritaire, qui absout et glorifie les pires actions, lorsqu’il s’agit du salut de l’Église. Mais Jacquin répondait aussi au nom de Dieu, de son Dieu de bonté, d’équité, du Dieu des innocents et des justes, qui n’admet ni l’erreur, ni le mensonge, ni le crime. Un beau combat auquel j’aurais voulu assister, entre le simple croyant et l’agent politique d’une religion qui croule. Et, m’a-t-on dit, c’est le jésuite qui a fini par s’humilier, par supplier à genoux l’honnête homme, sans parvenir à l’empêcher de faire son devoir.

— Pourtant, interrompit Marc, il a mis bien longtemps à soulager sa conscience.

— Oh ! sans doute, je ne dis pas que son devoir lui soit apparu tout de suite. D’abord, pendant des années, il a ignoré que la communication faite au jury par Gragnon fût illégale. La presque totalité des jurés en sont là, ne savent rien de la loi, acceptent tout des hauts magistrats. Puis, il a hésité ensuite, c’est bien évident, il a dû promener son trouble de conscience, pendant des années et des années encore, par crainte du scandale. Saurons-nous jamais ses angoisses et ses combats, à cet homme qui se confessait, qui communiait, avec la terreur de se damner ? Mais, je vous l’affirme, du jour où il a été certain que la pièce était un faux, il n’a plus eu une hésitation, il a résolu de parler, quitte à voir s’écrouler la cathédrale de Saint-Maxence, dans la conviction où il était de servir quand même son Dieu.

Puis, Delbos résuma gaiement la situation, en homme qui touchait au but, après de longs efforts.

— Pour moi, la révision est acquise. Nous tenons aujourd’hui