Page:Zola - Vérité.djvu/497

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coup sûr les envois de bonnes paroles et d’argent qui lui étaient faits, aux brusques silences qu’il gardait parfois pendant quelques semaines.

Mais quel bouleversement les aveux et les menaces du frère Gorgias jetaient dans la faction cléricale ! C’était la profanation du temple, les secrets du tabernacle donnés en pâture aux curiosités malsaines des incroyants. Beaucoup pourtant lui restaient fidèles, s’exaltaient de son intransigeance catholique, qui s’en remettait à Dieu seul, sans vouloir rien reconnaître des prétendus droits de la société humaine. Puis, pourquoi ne pas accepter sa version, le modèle d’écriture paraphé réellement par lui, emporté par Zéphirin, utilisé par Simon, dans un but diabolique ? Elle était moins déraisonnable, elle excusait même le père Philibin, perdant la tête, déchirant le coin où se trouvait le cachet, en une seconde d’amour aveugle pour sa sainte mère l’Église. Un plus grand nombre, à la vérité, les fidèles du père Crabot, la presque unanimité des prêtres et des religieux, s’entêtaient dans la version première, retouchée, aggravée : Simon signant le modèle d’un faux paraphe, le timbrant d’un cachet faux. C’était fou, et les lecteurs du Petit Beaumontais s’en passionnaient davantage, comme ravis de cette invention nouvelle du faux cachet, qui ajoutait une invraisemblance de plus à l’aventure. Chaque matin, le journal répétait avec une certitude imperturbable qu’on avait les preuves matérielles de la fabrication du cachet, et que la recondamnation de Simon, par la cour d’assises de Rozan, ne pouvait désormais faire doute pour personne. Le mot d’ordre était donné, toute la société bien pensante affectait de croire au triomphe certain de l’école des frères, lorsque les adversaires impies de l’infortuné frère Gorgias seraient confondus. Cette école avait grand besoin de ce succès, car elle venait de perdre encore deux élèves, dans le sourd discrédit qui la minait, depuis