Page:Zola - Vérité.djvu/518

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En effet, l’audience du lendemain fut une des plus graves, des plus passionnantes. Jacquin, le chef du premier jury, vint à son tour y soulager sa conscience. Il raconta très simplement comment le président Gragnon, appelé par les jurés, désireux d’être renseignés sur l’application de la peine, était entré une lettre à la main, l’air ému, et avait montré cette lettre, signée de Simon, et dont le post-scriptum portait un paraphe absolument semblable à celui du modèle d’écriture. Dès lors, plusieurs jurés, qui hésitaient, s’étaient montrés convaincus de la culpabilité de l’accusé. Quant à lui Jacquin, il n’avait plus douté, très heureux de cette certitude, pour la paix de sa conscience. Il ignorait alors l’illégalité d’une pareille communication. Plus tard seulement, il en avait eu le tourment, jusqu’au jour où le post-scriptum et le paraphe faux, avérés, prouvés, l’avaient décidé à se libérer de sa faute, même involontaire, en bon chrétien. Un dernier détail, qu’il donna de sa voix paisible, fit courir un frémissement dans l’auditoire : c’était Jésus qui lui avait dit de parler, un soir, où, torturé de remords, il était entré s’agenouiller dans une chapelle obscure de Saint-Maxence. Et Gragnon, introduit ensuite, commença par vouloir traiter l’incident avec son ancienne rondeur brutale de président autoritaire. Gras encore, quoique pâli par la peur, cachant ses longues angoisses sous son impudence de bon vivant, il prétendait ne plus bien se souvenir de détails négligeables. Oui, il croyait être entré dans la salle des délibérations du jury, tenant à la main la lettre qu’il venait de recevoir. Il en était très ému, il l’avait montrée sous le coup de l’émotion, sans se bien rendre compte de son acte, uniquement désireux d’établir la vérité. Jamais il n’avait eu même le regret de cette communication, tant il était convaincu de l’authenticité du post-scriptum et du paraphe ; et, d’ailleurs, selon lui, il restait à prouver qu’ils étaient faux. Puis,