triomphe. Quel soulagement à se dire que le père Crabot, et ses complices, et ses créatures, étaient désormais sauvés ! Il y eut un grand dîner, suivi de réception, chez l’ancien président Gragnon, où l’on vit se presser la foule des magistrats, des fonctionnaires, et même des universitaires. On se souriait, on se serrait les mains, heureux de vivre, après un danger si grave. Chaque matin, Le Petit Beaumontais célébrait la victoire des vaillants soldats de Dieu et de la patrie. Puis, brusquement, il se tut, lui aussi tombait au grand silence, ayant sans doute reçu le mot d’ordre d’en haut. C’était que, déjà, sous le retentissement de la victoire, chacun commençait à sentir la défaite morale ; et la crainte du lendemain revenait, on jugeait sage de distraire les esprits. Les jurés avaient parlé, on savait maintenant qu’ils avaient condamné Simon à une seule voix de majorité. En outre, au sortir de l’audience, tous avaient signé une demande en grâce. Ils ne pouvaient avouer d’une façon plus claire leur mortel embarras, la cruelle nécessité où ils s’étaient vus de confirmer l’ancien verdict de Beaumont, tout en ne doutant guère de l’innocence de l’accusé. Cette innocence, elle achevait d’éclater à tous les yeux, par cette extraordinaire attitude d’un jury frappant et pardonnant à la fois, dans la plus inexplicable des contradictions. Et la grâce s’imposait tellement, chacun la sentait si nécessaire, si inévitable, que personne ne s’étonna, lorsqu’elle fut signée quelques jours plus tard. Le Petit Beaumontais crut devoir injurier « le sale juif » une dernière fois ; mais lui-même poussait un soupir de soulagement, heureux d’être enfin débarrassé de son abominable rôle. Cette grâce venait d’être pour David un dernier sujet d’angoisse, un affreux débat de conscience. Son frère était à bout de forces, dévoré de fièvre, dans un tel état d’épuisement physique et moral, qu’il n’allait sans doute rentrer en prison que pour y
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