Page:Zola - Vérité.djvu/552

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car j’ai des choses à te dire, et il est temps que je me hâte.

Surprise, inquiète pour la malade de cet effort suprême, Geneviève voulut l’interrompre. Mais, devant son geste résolu, elle demanda simplement :

— Mère, est-ce à moi seule que tu désires parler ? faut-il que Louise se retire ?

Un instant, Mme Berthereau garda le silence. Elle avait tourné la tête vers la jeune fille, grande et belle, qui la regardait avec une tendresse navrée, les yeux francs, le front haut. Et elle finit par murmurer :

— Je préfère que Louise reste. Elle a dix-sept ans, il faut qu’elle sache, elle aussi… Ma chère mignonne, viens t’asseoir là, tout près de moi.

Puis, lorsqu’elle l’eut à côté d’elle, assise sur une chaise, elle lui prit la main.

— Je sais combien tu es raisonnable et brave, et si je t’ai blâmée parfois, je rends justice à ta franchise… Aujourd’hui, vois-tu, à mon heure dernière, je ne crois plus qu’à la bonté.

Elle se recueillit un moment encore, elle tourna les yeux vers la fenêtre ouverte, vers le ciel pâlissant, comme pour retrouver toute sa longue vie de mélancolie et de résignation dans l’adieu du soleil. Son regard revint ensuite à sa fille, qu’elle contempla longuement, d’un air d’indicible compassion.

— Ma Geneviève, j’ai bien du chagrin de te laisser si malheureuse… Ne dis pas non, j’entends parfois tes sanglots, la nuit, là-haut, au-dessus de ma tête, quand tu ne peux dormir. Et je me doute bien de ta misère, des combats qui te déchirent… Voilà des années que tu souffres, sans que j’aie eu même la bravoure de venir à ton aide.

Des larmes soudaines gonflèrent les paupières de Geneviève. Cette évocation de ses souffrances, à cette heure tragique, la bouleversait.