Page:Zola - Vérité.djvu/556

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— Je me suis confessée, répondit doucement la mourante, je ne m’en irai pas sans recevoir l’extrême-onction, car j’appartiens à Dieu tout entière, je ne puis que lui appartenir maintenant… Si j’ai tant souffert de la perte de mon mari, je n’ai jamais eu le regret d’être venue ici. Où serais-je allée ? Je n’avais pas d’autre refuge, j’étais trop acquise à la religion, pour tenter même un instant de chercher ailleurs le bonheur. Et j’ai donc vécu l’existence que je devais vivre… Mais ma fille souffre trop à son tour, et elle qui est libre, qui a encore un mari dont elle est adorée, je ne veux pas qu’elle recommence ma triste histoire, dans ce néant où j’ai si longtemps agonisé. Tu m’entends, tu m’entends, n’est-ce pas ? ma fille.

Et, d’un geste de tendre supplication, elle avait tendu ses deux pauvres mains de cire, et Geneviève était venue tomber à genoux près d’elle, si remuée par cette scène extraordinaire, ce poignant réveil de l’amour dans la mort, que de grosses larmes roulaient sur ses joues.

— Mère, mère, je t’en prie, ne souffre pas davantage de ma souffrance. Tu me déchires le cœur, à ne songer ainsi qu’à moi, lorsque nous sommes tous là, avec l’unique désir de te donner un peu de joie, à toi qui veux partir si désespérée.

Mais Mme Berthereau était soulevée d’une exaltation croissante. Elle lui avait pris la tête, elle la regardait de tout près, dans les yeux.

— Non, non, écoute-moi encore… Je ne puis plus goûter qu’une joie, avant de te quitter, celle d’emporter la certitude que tu ne vas pas recommencer ici mon sacrifice et mon tourment. Donne-moi cette dernière consolation, ne me laisse pas partir sans une promesse formelle… Tu entends, je te le répéterai, tant qu’un peu de force me restera pour le dire. Sauve-toi de cette maison de mensonge et de mort, retourne à ton foyer, près de ton mari. Rends-lui ses enfants, aimez-vous de tout votre