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Page:Zola - Vérité.djvu/558

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quand je me sentirai libre de te corriger… Taisez-vous, mes filles, vous qui ne seriez pas sans moi ! C’est moi qui commande, et ce serait un péché mortel de plus, si vous ne m’obéissiez pas !

Elle avait grandi, elle parlait avec un geste farouche, au nom de son Dieu de colère et de vengeance. Mais sa fille, sentant bien que la mort si proche l’avait délivrée déjà, osa continuer, malgré sa défense.

— Voilà plus de vingt ans que j’obéis, ma mère, voilà plus de vingt ans que je me tais, et si ma dernière heure n’était pas venue, j’aurais peut-être la lâcheté d’obéir et de me taire encore… C’est trop. Tout ce qui m’a torturée, tout ce que je n’ai pas dit, m’étoufferait dans la terre. Je ne peux l’y emporter. Et, quand même, le cri, si longtemps étouffé, sortirait de mes lèvres… Oh ! ma fille, je t’en conjure, promets-moi, promets-moi !

Hors d’elle, Mme Duparque répéta, d’une voix plus rude :

— Geneviève, c’est moi, ta grand-mère, qui te défends de parler.

Louise, en voyant sa mère toujours sanglotante, livrée au plus affreux des combats, la face abîmée dans la couverture, sur la chaise longue, se permit de répondre, de son air résolu, plein de déférence.

— Grand-mère, il faut être bonne pour grand-maman si malade. Mère aussi est bien souffrante, et c’est cruel de la bouleverser ainsi… Chacun ne doit-il pas agir selon sa conscience ?

Alors, sans laisser à Mme Duparque le temps d’intervenir de nouveau, Geneviève, le cœur fondu par cette douceur courageuse de sa fille, releva la tête, embrassa la mourante éperdument.

— Mère, mère, dors tranquille, je ne veux pas que tu emportes une amertume, à cause de moi… Oui, je te promets de me rappeler ton désir, je te promets de faire tout ce que mon amour pour