Page:Zola - Vérité.djvu/597

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Ici, il se contient encore, il essaye de lutter par une grande souplesse diplomatique, surtout avec les femmes, car ses maîtres ont dû le lui enseigner : on n’est pas battu, tant qu’on a les femmes avec soi. Il va souvent à Valmarie, m’a-t-on raconté, et il y voit le père Crabot, dans la retraite profonde où celui-ci tâche de disparaître, il en rapporte sûrement cette onction, ces caresses aux dames, qui me surprennent beaucoup chez un brutal de son espèce. Lorsque de nouveau la colère l’emportera, il sera fini… D’ailleurs, tout va bien à Jonville. Nous gagnons un peu de terrain tous les ans, la commune retrouve sa prospérité et sa santé. Voilà les paysans qui ne laissent plus leurs filles aller travailler au Bon Pasteur, à la suite des derniers scandales. Et le conseil municipal, Martineau en tête, me semble regretter infiniment l’accès d’imbécile faiblesse où l’abbé Cognasse et Jauffre l’ont jeté, le jour où il a laissé consacrer la commune au Sacré-Cœur. Je cherche une occasion d’effacer ce mauvais souvenir, je finirai bien par la trouver.

Il y eut un court silence, la douceur du temps était délicieuse. Et Salvan, qui avait écouté complaisamment, conclut de son air allègre et paisible :

— Tout cela est plein d’encouragement, voilà Maillebois, Jonville et le Moreux en marche vers ces temps meilleurs pour lesquels nous avons si rudement lutté. On a cru nous vaincre, nous exterminer à jamais ; nous avons pendant des mois, semblé morts ; et voilà le lent réveil, la semence a cheminé en terre, il nous a suffi de nous remettre silencieusement à l’œuvre, pour que le bon grain repoussât et refleurît. Maintenant, rien n’entravera plus la moisson future. C’est que nous sommes la vérité, et que rien ne la détruit, rien ne l’arrête dans son resplendissement… Sans doute, les choses ne vont pas encore très bien à Beaumont. Les fils de Doutrequin, ce républicain des temps héroïques tombé à la réaction cléricale,