Page:Zola - Vérité.djvu/63

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peut tout retourner ici, on eut fouiller dans ma vie, on ne trouvera rien de coupable. Je n’ai qu’à dire la vérité, et, vois-tu, rien ne tient contre la vérité, elle est la grande, l’éternelle victorieuse.

Puis, se tournant vers son ami :

— N’est-ce pas, mon bon Marc, lorsqu’on a la vérité avec soi, on est invincible ?

Si la conviction de Marc n’avait pas été faite, ses derniers doutes s’en seraient allés, dans l’émotion de cette scène. Il finit par céder à un élan de son cœur, il embrassa le ménage, comme pour se donner tout entier à lui et l’aider dans la crise grave qu’il prévoyait. Et, voulant agir immédiatement, il remit la conversation sur le modèle d’écriture, car il sentait bien que c’était la pièce importante, unique, sur laquelle toute l’affaire devait s’échafauder. Mais quelle pièce énigmatique, ce modèle froissé, mordu, dont les dents de la victime avaient sans doute emporté un coin, tout maculé de salive, avec son paraphe ou son pâté d’encre à demi effacé ! Les mots, d’une belle anglaise impersonnelle : « Aimez-vous les uns les autres », semblaient eux-mêmes d’une terrible ironie. D’où venait-il ? qui de l’enfant ou du meurtrier l’avait apporté ? comment savoir, lorsque les dames Milhomme, les papetières voisines, vendaient couramment des modèles pareils ? Et Simon ne put que répéter sa conviction de n’avoir jamais eu celui-là dans sa classe.

— Tous mes élèves le diraient, ce modèle n’est jamais entré à l’école, n’a jamais été mis sous leurs yeux.

Ce fut pour Marc une indication précieuse.

— Alors, ils pourraient en témoigner, s’écria-t-il. Puisqu’on fait courir le faux bruit que la police a saisi chez toi des preuves accablantes, des modèles tout semblables, il faut rétablir sur-le-champ la vérité, voir tes élèves chez leurs parents, exiger leur témoignage, avant qu’