Page:Zola - Vérité.djvu/630

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Il s’agissait surtout d’effacer, de racheter la commune au Sacré-Cœur, dont le remords désolait le maire et le conseil municipal, depuis qu’ils étaient revenus au simple bon sens. Martineau, pour se disculper, dans sa prudence coutumière, accusait l’instituteur Jauffre de l’avoir abandonné aux mains de l’abbé Cognasse, après lui avoir troublé l’esprit de toutes sortes de menaces vagues, pour Jonville et pour lui-même, s’il ne faisait pas sa soumission totale à l’Église, qui resterait éternellement la plus forte, maîtresse des hommes et des fortunes. Et, maintenant, Martineau, voyant bien que ce n’était pas vrai, puisque l’Église allait être battue et que déjà le pays redevenait plus prospère, à mesure qu’il se séparait d’elle davantage, était vivement désireux de se mettre du côté des vainqueurs, en ancien paysan pratique, qui pensait solidement, s’il ne parlait guère. Il aurait voulu une sorte d’abjuration, une cérémonie lui permettant de venir à la tête du conseil municipal rendre la commune au culte de la raison et de la vérité, afin de faire oublier l’autre, celle où elle s’était donné une idole sanglante, de démence et de mensonge. Et c’était cette cérémonie que Marc avait eu la pensée de réaliser, en faisant inaugurer, par le maire et le conseil municipal, la salle de jeux et de danse de la maison commune, dans laquelle le pays devait se réunir chaque dimanche pour des fêtes civiques.

De grands préparatifs furent faits. Les élèves de Marc et de Geneviève, réunis fraternellement, joueraient une petite pièce, danseraient et chanteraient. On avait créé un orchestre, composé de jeunes gens du pays. Les jeunes filles, vêtues de blanc, ainsi qu’autrefois les filles de la Vierge, chanteraient et danseraient elles aussi, en l’honneur des travaux des champs et des joies de la vie. C’était la vie surtout, la vie sainement et pleinement vécue, toute la vie débordante avec ses devoirs et ses félicités,