Page:Zola - Vérité.djvu/634

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des dernières fidèles de l’abbé Cognasse, tout en n’allant plus à l’église que pour y montrer ses robes neuves. Elle en avait une, de robe neuve et elle était ravie de l’étaler, sans craindre de la salir, sur les dalles humides. Puis, ici, elle était certaine de ne pas recevoir de coup de pied, si elle ne se rangeait pas assez vite. Enfin, Jonville allait donc avoir un salon, où l’on pourrait se voir, causer, et faire un peu la fière.

Un incident extraordinaire termina cette grande journée. Marc et Geneviève ramenaient leurs élèves, accompagnés de Mignot, qui ramenait aussi les siens ; et ils étaient en compagnie de Salvan et de Mlle  Mazeline, tous très gais, plaisantant et riant. Avec eux encore, se trouvait Mme  Martineau, au milieu d’un groupe de femmes du village, auxquelles elle racontait comment s’était terminé le procès fait par son mari au curé, à la suite du coup de pied qu’elle avait reçu de celui-ci. Devant la police correctionnelle, quinze témoins étaient venus déposer, et le juge, après des débats violents, avait condamné l’abbé Cognasse à vingt-cinq francs d’amende, ce qui expliquait l’état de fureur où bouillonnait ce dernier depuis quelques jours. Alors, brusquement, comme elle élevait la voix, en passant le long du jardin du presbytère, déclarant que le curé ne l’avait pas volé, on vit surgir, au-dessus du petit mur, la tête de l’abbé Cognasse, qui se mit à crier des injures.

— Ah ! vaniteuse, ah ! menteuse, je te la ferai rentrer dans la gorge, ta langue de serpent qui bave sur le bon Dieu !

Comment se trouvait-il là, juste à ce moment ? Avait-il guetté derrière le mur de son jardin, le retour de la fête ? Une échelle était-elle préparée, pour lui permettre de monter et de voir ? Quand il aperçut la belle Martineau en robe neuve, entourée de toutes ces femmes endimanchées, qui avaient déserté l’église pour se rendre à