Page:Zola - Vérité.djvu/640

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se déclarant ouvertement, passionnément, contre la vérité et la justice. Eh quoi ! elle qui dit représenter sur la terre un Dieu de certitude et d’équité, de bonté et d’innocence, elle qui s’est fondée pour l’exaltation des souffrants et des humbles, la voilà qui se démasque, qui pour conserver son pouvoir temporel fait cause commune avec les oppresseurs, les menteurs faussaires ! Les conséquences d’une telle attitude devaient forcément être terribles pour elle, le jour où la vérité et la justice triompheraient, où l’innocence de Simon éclaterait en une fulgurante clarté. C’était comme un véritable suicide de sa part, elle préparait de ses mains sa propre condamnation, elle ne serait plus jamais la maison du vrai, du juste, de l’éternellement pur et l’éternellement bon ! Et l’expiation de sa faute commence à peine, on la verra lentement mourir de l’affreux déni de justice qu’elle a fait sien, qu’elle s’est collé au corps comme un chancre dévorant… Oui, l’abbé Quandieu a eu le génie de prévoir et de dire cette chose. Et il est faux qu’il se soit enfui de l’Église par lâcheté, il en est sorti sanglant, pleurant, il achève dans la douleur une vie de misère et d’amertume.

D’un geste rude, le frère Gorgias déclara qu’il ne voulait pas discuter. Il avait impatiemment attendu de pouvoir continuer sa rageuse diatribe, écoutant à peine, les yeux ardents, fixés au loin, dans les cuisants souvenirs de sa querelle personnelle.

— Bon ! bon ! je dis ce que je pense, je ne vous empêche pas de penser ce que vous voudrez… Mais il est d’autres imbéciles et d’autres lâches que vous ne défendrez pas. Hein ? ce gredin de père Théodose, le miroir à dévotes, le caissier voleur du paradis.

Et il repartit, il tomba sur le supérieur des capucins avec une rage meurtrière. Ce n’était pas qu’il blâmât le culte de saint Antoine de Padoue ; au contraire, il l’exaltait, il mettait son unique espoir dans le miracle, il aurait