Page:Zola - Vérité.djvu/672

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— Eh bien ! vous devez avoir de la satisfaction, Fernand. L’année a été bonne pour le grain.

— Oui, monsieur Froment, tout de même. Mais l’année n’est jamais bonne. Quand ça va bien d’un côté, ça va mal de l’autre. Et puis, vous le savez, vous, je n’ai jamais eu de chance.

Sa femme Lucile, beaucoup plus délurée, se permit d’intervenir.

— Il dit ça, monsieur Froment, parce qu’il était toujours le dernier dans votre classe, et il s’imagine qu’il y a un sort sur lui, à cause d’une histoire d’une bohémienne qui lui aurait jeté des pierres, quand il était petit. Un sort, je vous demande un peu ! Encore, s’il croyait au diable, car j’y crois, au diable, moi ! Mlle  Rouzaire, dont j’étais la meilleure élève, me l’a fait voir un jour, quelque temps avant ma première communion.

Et, comme Lucile s’égayait, tandis que la petite Georgette elle-même avait un rire très irrévérencieux pour le diable :

— Oh ! je sais, ma fille, tu ne crois à rien, plus une jeunesse n’a de religion aujourd’hui, depuis que Mlle  Mazeline a fait de vous toutes des femmes fortes. Ça n’empêche qu’un soir Mlle  Rouzaire nous a montré une ombre qui passait sur le mur, en nous disant que c’était le diable. Et c’était bien lui.

Un peu gêné, Adrien interrompit sa belle-mère, en abordant l’affaire qui amenait Marc. Tout le monde s’était assis, Claire avait pris Georgette sur ses genoux, pendant que son père et sa mère se tenaient un peu à l’écart, l’un fumant sa pipe, l’autre tricotant un bas.

— Voici, mon maître. Nous sommes beaucoup, dans la jeunesse, à trouver qu’il y aura un grand déshonneur sur le nom de Maillebois, tant qu’il n’aura pas réparé de son mieux l’affreuse iniquité qu’il a permise et dont il s’est même rendu complice, en laissant condamner Simon.