Bongard, les ancêtres, refuser de lui répondre, en paysans illettrés, soucieux de leur quiétude de bœufs au labour, il se rappelait l’attitude de Fernand leur fils, même au lendemain de Rozan, bien que libéré un peu déjà, haussant les épaules, s’entêtant toujours à ne rien savoir. Et que d’années il avait fallu, quel long enseignement de la raison humaine et du courage civique, pour que la génération nouvelle ouvrît enfin les yeux à la vérité, osât la reconnaître et la dire ! Il s’était mis à hocher la tête, comme pour déclarer qu’il trouvait bonnes au fond les excuses de Fernand, prêt à pardonner déjà aux tourmenteurs d’autrefois dont l’ignorance était surtout le crime. Et il finit par sourire à la petite Georgette, l’avenir en fleur, qui ouvrait ses beaux yeux et ses fines oreilles, dans l’attente sans doute de quelque belle histoire.
— Alors, mon maître, reprit Adrien, mon projet est bien simple… On a fait, vous le savez, de grands travaux pour assainir le vieux quartier de Maillebois. Une avenue a emporté la rue Plaisir et la rue Fauche, deux cloaques ; et, à la place où se trouvait l’immonde rue du Trou, on achève de planter un square, que tout le petit monde du quartier emplit déjà de rires et de jeux… Eh bien ! en face de ce square, parmi les terrains à bâtir, il y en a un, sur lequel s’élevait justement la misérable maison des Lehmann, cette maison de deuil, que nos pères ont lapidée et qui s’est comme effondrée sous leur exécration. Mon projet est donc de proposer au conseil municipal de faire bâtir là une autre maison, oh ! pas un palais, une maison modeste, claire et gaie, et de l’offrir à Simon, au nom de la ville, pour qu’il y finisse ses jours, dans le respect et la tendresse de ses concitoyens… La valeur du cadeau ne serait pas grande, et il y aurait là simplement le plus délicat et le plus fraternel des hommages.