Page:Zola - Vérité.djvu/690

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l’avait aimée, puis épousée malgré les obstacles, heureux justement de trouver en elle la compagne vraie, n’appartenant plus qu’à son foyer ; et ils vivaient depuis lors dans une étroite union, très heureux, aidant leur petite Lucienne à grandir encore en grâce, en amour, en libre.

D’ailleurs, Marc aussi défendit Léon Savin, le maire.

— Charlotte a raison, il est avec nous… Et vous savez, cette maison, dont on projette de faire à Simon le cadeau fraternel, le plus beau est qu’elle aura, pour entrepreneurs, les deux Doloir, Auguste le maçon, et Charles le serrurier, sans compter que, par les alliances, Fernand Bongard et Achille Savin vont s’y employer aussi… Hein ? mon bon ami Sébastien, qui aurait dit cela, jadis, lorsque vous étiez avec ces gaillards sur les bancs de mon école ?

Il s’égayait doucement, et Sébastien Milhomme se mit à rire. Mais il était encore sous le coup d’un deuil, d’une aventure tragique, dont il gardait la tristesse. Au printemps dernier, sa tante, Mme  Édouard, était morte brusquement, laissant la papeterie de la rue Courte à sa belle-sœur, Mme  Alexandie. Depuis la disparition de son fils Victor, elle dépérissait, elle ne s’occupait plus de ce petit commerce des fournitures classiques dont elle avait eu la passion, très dépaysée d’ailleurs, ne comprenant rien aux temps nouveaux. Restée seule, Mme  Alexandre le continuait dans le désir de n’être pas à charme à son fils Sébastien, bien que la situation de celui-ci devient fort belle. Mais, tout d’un coup, un soir, Victor reparut, ayant appris la mort de sa mère, sortant des bas-fonds où il s’était comme enlisé, en une crapuleuse existence ; et, ravagé, sordide, il se montra féroce, il exigea la vente de la papeterie, liquida la très ancienne association, afin d’emporter sa part. Ce fut la fin de la petite boutique de la rue Courte, où des générations d’écoliers étaient venues acheter leurs cahiers et leurs