Page:Zola - Vérité.djvu/702

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Gorgias raillait encore, dans sa fureur sombre, dans cet élan de foi sauvage qui le dressait, seul et impudent, en face du peuple. Et il eut son habituel retroussement de lèvres qui découvrait, à gauche, un peu de ses dents, en un rictus involontaire, où il y avait de la goguenardise et de la cruauté. Polydor, effaré un instant, le regardant de ses yeux ronds, envahis d’ombre par l’ivresse, venait de se laisser tomber au pied de la grille, comme foudroyé de sommeil, ronflant déjà. La foule, patiente, dans l’attente épouvantée de l’aveu promis, avait gardé jusque-là son grand silence de mort. Mais elle commençait à se lasser de tant de paroles, où elle sentait l’orgueil indomptable, l’insolence et l’outrage de l’homme d’Église, qui se croit souverain et inviolable en son Dieu. Que voulait-il dire ? pourquoi ne contait-il pas simplement les choses ? à quoi bon tant de préparations, puisque dix mots auraient suffi ? Et un grondement s’élevait, une poussée allait le balayer, lorsque Marc, attentif, très maître de lui, malgré le frémissement où il était de la confession attendue, se montra, calma du geste ce flot montant d’impatience et de colère. Imperturbable, d’ailleurs, Gorgias continuait, au milieu des interruptions, à répéter de la même voix aiguë qu’il était le seul brave, le seul vraiment avec Dieu, mais que les autres, les lâches, allaient payer eux aussi, parce que Dieu le suscitait pour que la confession de tous les pécheurs fût faite publiquement, en une expiation suprême, d’où l’Église, compromise par des chefs indignes, allait sortir rajeunie et à jamais victorieuse.

Puis, tout d’un coup, il prit une voix de détresse et de larmes, il se frappa la poitrine violemment, des deux poings, comme sous l’accès de furieux remords.

— Ô mon Dieu, j’ai péché ! Ô mon Dieu, pardonnez-moi ! Ô mon Dieu, arrachez-moi des griffes du diable, pour que je bénisse encore votre saint nom !… C’est mon Dieu qui le veut !