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Page:Zola - Vérité.djvu/706

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son corps maigre et tordu. Et une rage dernière l’emporta, il finit par hurler, en damné que le diable retourne avec sa fourche sur le brasier infernal :

— Non, non, ce n’est pas la encore, c’est arrangé et embelli… Je veux tout dire, je veux tout dire, c’est à ce prix que je goûterai les éternelles délices du paradis.

Alors, ce fut immonde et d’une horreur sacrée. Il dit tout, en termes crus, abominables, avec des gestes qui évoquaient l’ignominie de l’atroce scène. Il dit comment, brûlé, lâché ainsi qu’une bête en folie, il avait jeté le petit Zéphirin par terre, l’avait souillé, déchirant sa chemise, tâchant de lui en envelopper la tête, pour qu’il ne criât plus. Il dit l’acte, sans taire aucun détail, des détails sordides, féroces, où passait la démence des passions contre nature, grandies et perverties à l’ombre des cloîtres. Il dit sa terreur lâche, en entendant les cris continuer toujours, son besoin de cacher son crime, pendant que sa tête se perdait et que ses oreilles bourdonnantes croyaient saisir déjà le galop des gendarmes lancés à sa poursuite. Il dit son égarement, la recherche autour de lui d’un objet quelconque, ses poches fouillées, des papiers trouvés là, enfoncés dans la bouche gémissante de la victime, stupidement, sans prévision aucune, par unique désir de n’être plus torturé par les terribles cris. Et il dit enfin le meurtre, l’étranglement, les dix doigts de ses mains robustes, sèches et poilues, serrés comme des cordes de fer autour du cou délicat, y pénétrant, y laissant de profonds sillons noirs.

— Ô mon Dieu ! je suis un porc, je suis une brute meurtrière dont les membres sont tachés de boue et de sang… Et je me suis sauvé comme un misérable lâche, sans une idée dans la cervelle, gorgé et abruti, laissant la fenêtre ouverte, ce qui prouve bien ma bêtise, l’innocence où je serais resté, sans l’assaut imprévu et victorieux